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- Poésie
- Oh! la terre, - murmurai-je à la nuit, est un calice embaumé dont le pistil et les étamines sont la lune et les étoiles ! »
- Et, les yeux lourds de sommeil, je fermai la fenêtre qu'incrusta la croix du calvaire, noire dans la jaune auréole des vitraux.
- Encore, - si ce n'était à minuit, - l'heure blasonnée de dragons
et de diables! - que le gnome qui se soûle de l'huile de ma lampe !
- Si ce n'était que la nourrice qui berce avec un chant monotone, dans la cuirasse de mon père, un petit enfant mort-né !
- Si ce n'était que le squelette du lansquenet emprisonné dans la boiserie, et heurtant du front, du coude et du genou !
- Si ce n'était que mon aïeul qui descend en pied de son cadre vermoulu, et trempe son gantelet dans l'eau bénite du bénitier !
- Mais c'est Scarbo qui me mord au cou, et qui, pour cautériser ma
blessure sanglante, y plonge son doigt de fer rougi à la fournaise !
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- Que tu meures absous ou damné, marmottait Scarbo cette nuit à mon
oreille, tu auras pour linceul une toile d'araignée, et j'ensevelirai
l'araignée avec toi !
- - Oh! que du moins j'aie pour linceul, lui répondais-je, les yeux
rouges d'avoir tant pleuré, - une feuille du tremble dans laquelle me
bercera l'haleine du lac.
- - Non! - ricanait le nain railleur, - tu serais la pâture de
l'escarbot qui chasse, le soir, aux moucherons aveuglés par le soleil
couchant !
- - Aimes-tu donc mieux, lui répliquai-je, larmoyant toujours, -
aimes-tu donc mieux que je sois sucé d'une tarentule à trompe
d'éléphant ?
- - Eh bien, - ajouta-t-il, - console-toi, tu auras pour linceul
les bandelettes tachetées d'or d'une peau de serpent, dont je
t'emmailloterai comme une momie.
- Et de la crypte ténébreuse de St-Bénigne, où je te coucherai
debout contre la muraille, tu entendras à loisir les petits enfants
pleurer dans les limbes. »
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- La lune peignait ses cheveux avec un démêloir d'ébène qui
argentait d'une pluie de vers luisants les collines, les prés et les
bois.
- Scarbo, gnome dont les trésors foisonnent, vannait sur mon toit,
au cri de la girouette, ducats et florins qui sautaient en cadence, les
pièces fausses jonchant la rue.
- Comme ricana le fou qui vague, chaque nuit, par la cité déserte, un œil à la lune et l'autre - crevé !
- « Foin de la lune! grommela-t-il, ramassant les jetons du diable, j'achèterai le pilori pour m'y chauffer au soleil ! »
- Mais c'était toujours la lune, la lune qui se couchait, - et
Scarbo monnayait sourdement dans ma cave ducats et florins à coups de
balancier.
- Tandis que, les deux cornes en avant, un limaçon qu'avait égaré la nuit cherchait sa route sur mes vitraux lumineux.
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- Oh! Que de fois je l'ai entendu et vu, Scarbo, lorsqu'à minuit la
lune brille dans le ciel comme un écu d'argent sur une bannière d'azur
semée d'abeilles d'or !
- Que de fois j'ai entendu bourdonner son rire dans l'ombre de mon
alcôve, et grincer son ongle sur la soie des courtines de mon lit ?
- Que de fois je l'ai vu descendre du plancher, pirouetter sur un
pied et rouler par la chambre comme le fuseau tombé de la quenouille
d'une sorcière.
- Le croyais-je alors évanoui? Le nain grandissait entre la lune et
moi, comme le clocher d'une cathédrale gothique, un grelot d'or en
branle à son bonnet pointu !
- Mais bientôt son corps bleuissait, diaphane comme la cire d'une
bougie, son visage blêmissait comme la cire d'un lumignon, - et soudain
il s'éteignait.
- Aloysius Bertrand, Gaspard de la Nuit.
Août 2012: Je travaille Scarbo de Maurice Ravel, extrait de Gaspard de la Nuit (1908).